Néonicotinoïdes : Les affairistes remportent une bataille contre l’agriculture durable
La FNSEA et l’agro-business sabrent le champagne. Ils viennent de remporter une grande victoire à l’Assemblée nationale après celle au Sénat quelques jours auparavant. En effet, la loi Duplomb, du nom de l’un de ses auteurs, vise à réintroduire et à réautoriser les néonicotinoïdes dans les traitements agricoles.
Les néonicotinoïdes (cinq substances différentes) sont des insecticides. Leur utilisation suscite de nombreuses craintes sur la mortalité des pollinisateurs, comme les abeilles, qui jouent un rôle fondamental dans la fécondation des plantes à fleurs et de certaines graines. À tel point que des études scientifiques ont amené l’Union européenne à restreindre leur usage à seulement deux substances. La France, quant à elle, avait décidé en 2018 de les interdire purement et simplement, sauf pour la betterave, sur la base des avis de l’Anses, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail.
Le projet de loi voté le 26 mai, par un tour de passe-passe législatif, représente donc un énorme bon en arrière en matière de préservation de la biodiversité, de qualité alimentaire et de production agricole durable.
Ce texte a pour objectif de lever « les contraintes » qui pèsent sur le monde agricole. En vérité, loin de résoudre la crise agricole et de répondre aux questions de rémunération du travail des paysans, ce projet de loi adopté vise à dérèglementer l’usage des insecticides, pourtant avérés dangereux pour la santé, l’environnement et pour les agriculteurs eux-mêmes. Cette volte-face de la représentation nationale applaudie par les macronistes, LR et le RN, soulève la colère des associations environnementales, des apiculteurs et de la Confédération paysanne.
L’ensemble de la gauche est elle aussi vent debout contre ce rabaissement des exigences sociales, environnementales et sanitaires vis-à-vis de la production agricole. Pour Julien Brugerolles, député communiste du Puy-de-Dôme, « Il aurait fallu un débat parlementaire sur la création d’un vrai régime public d’assurance contre les risques climatiques, sanitaire et environnementaux. Tous ces sujets méritaient une grande loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire ».
Avec ce rétropédalage historique, la droite et l’extrême droite poursuivent leurs dérives libérales et remettent en cause les études scientifiques pour favoriser les groupes économiques du secteur agricole et pour flatter leur électorat écolo-sceptique. Pourtant, avec la réintroduction des néonicotinoïdes, la France met en danger la santé de toute la population et se prive d’un levier réglementaire vis-à-vis des pays moins-disant en termes de respect de l’environnement, de coûts de production et de rémunération des agriculteurs. Seule la recherche publique pour trouver une alternative aux insecticides permettra de répondre aux enjeux agricoles et alimentaires de demain.